Regardant AVICII…

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Une fois n‘est pas coutume. Ou si parce que je l’ai déjà fait. Je vais réagir à un documentaire que j’ai vu sur Netflix. Il raconte un peu le parcours pris en chemin du DJ AVICII, un jeune prodige de la scène Dance.

Le documentaire est vraiment superbe. Il raconte la spirale infernale dans laquelle est entré un jeune homme qui voulait simplement faire de la musique. Il nous montre comment ce qu’on appelle « L’Industrie » l’a phagocyté comme elle l’a fait avec ses artistes depuis que les tubes existent . Les artistes à succès mis à part les ogres tels que Picasso ou Rodin ont souvent été des proies faciles. Faire de l’art pour l’art est un art difficile. Il coûte cher parfois. Quand on fait le choix de faire de sa passion sa subsistance dans un monde où tout dit-on a un prix, on court le risque de se perdre. On voit ce jeune homme à ses débuts heureux et lumineux. On voit son processus créatif, excellent. Puis on le voit fondre, disparaître, devenir presque squelettique. On apprend sa pancréatite alors qu’il explique comment il a commencé à boire avant chaque concert. On le voit dans un lit d’hôpital entrain de discuter avec le docteur qui vient de lui retirer sa vésicule biliaire, pour savoir s’il peut avoir des calmant pour aller donner son concert. On le voit aussi réaliser qu’il est en train de se perdre et avoir un sursaut de clarté. Il demande à son manager d’arrêter la tournée et celui-ci lui parle chiffres et procès. On voit un jeune homme qui bascule dans la dépression. Qui n’a plus la force de se produire devant des milliers de personnes avides de son énergie. On le voit commencer à détester ce qu’il adorait. On sent la fin proche.

Ce documentaire est comme un testament.

On noud dit souvent que l’argent ne fait pas le bonheur. Mais je vous assure que j’ai rarement vu des gens misérables heureux. Ce vampirisme qui existe dans les hauteurs est rampant aussi dans les bas-fonds. Est-ce simplement la nature humaine ? De dévorer ce qu’on encense ? Après tout, les chrétiens ne mangent -ils pas le corps du christ, à chaque communion unis dans ce cannibalisme symbolique ?

Je me souviens d’un pasteur qui nous disait que la mélancolie était un luxe de riches. Et que l’oisiveté avait conduit les gens à la dépression. Il préconisait le retour aux tâches domestiques manuelles, telles que laver son linge à la main, moudre son café avec un moulin, espace de conversation et parfois de silence pour les familles. Il disait aussi aussi que pour palier à l’oisiveté on avait accéléré le temps. On avait gagné du temps pour avoir le choix de rien faire. Pertinent.

AVICII ne trouvait même plus le temps de se poser. Dans son cas le temps était vraiment de devenu de l’argent. Des dizaines de personnes comptaient sur lui pour vivre. A vingt ans c’est trop lourd. Dans le documentaire s’égrènent le nombre de concerts donnés par AVICII de quoi filer le tournis. Même à l’image le temps s’accélère. On peut comprendre qu’il ai eu l’impression d’étouffer.

Je me souviens d’un documentaire tourné sur les enfants de Rio qui vivaient en gang et étaient poursuivis par de escadrons de la mort qui les ramassaient pour les faire « disparaitre », histoire d’assainir les rues de la ville. On demandait à un garçon d’environ huit ans ce qu’il souhaitait pour l’avenir. Il avait répondu « être vivant ». D’autres avaient dit Une maison, avec une femme un chien… » et déjà la gorge se serre. Mais celui-ci, pas une maison, une femme ou une voiture, juste le don qui nous semble acquis. Cette certitude quelque peu arrogante qui nous faire croire chaque soir que nous serons vivants*tes le lendemain.

AVICII ou plutôt Tim Bergling de son nom réel, avait ce dont beaucoup rêvent. Des millions de dollars, la célébrité, les voyages, une ou plusieurs femmes dans chaque suite, la notoriété et le respect de ses pairs. Mais il n’avait pas de vie.

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Son manager explique que de gagner beaucoup d’argent trop vite quand on est très jeune peut être dommageable. OU peut-être aussi est-ce dû à un manque d’ancrage. Quand on n’a pas auprès de soi quelqu’un*ne qui nous ramène sur terre, quelqu’un*ne qui nous veut authentiquement du bien et qui se soucie de nous, pas de notre porte-monnaie ou nitre notoriété …, on part à la dérive. Pour certains*nes ce pourrait être, un*e ami*e , un*e parent*e, une croyance. Sans ça, on est comme un ballon tournoyant au gré du vent.

A-ton besoin d’essuyer les plâtres de la vie pour se croire digne de réussir ? Peut-on comprendre d’être encensé*ée pour ce qu’on fait avec facilité par plaisir par passion ?

Mon cerveau tourne si vite. Les mots se percutent, je ne trouverai pas je le sais le moyen de dire tout ce que je ressens. Tout ce qui depuis plusieurs jours arpente les chemins de ma conscience. Des recoupements, des raccourcis, des flashs, des souvenirs. Tout en 3 D. Impossible à raconter et pourtant si tangible. Comme si je venais de comprendre quelque chose et que ça m’échappait encore. Nous qui mangeons nos jeunes. Nous les offrons en sacrifice à la vie qui nous glisse entre les doigts.

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Je me souviens qu’à vingt-ans je faisais la fête, je buvais beaucoup. Je me souviens d’une soirée de folie où nous avions fait le tour de l’arc de triomphe en voiture plusieurs fois, en hurlant à la lune, totalement ivres. Je me souviens que les policiers nous ont laissé faire, indulgents. Il faut bien que jeunesse se passe. Nous avions réussi notre premier semestre en médecine. Et ça se fête ! Nous buvions énormément nous bûchions beaucoup aussi. Je me souviens de ces nuits brûlantes qu’est-ce que je fuyais ? Eric avait toujours une bouteille de vodka pour moi. De quel abîme voulais-je m’extraire ? La difficulté de trouver ma place dans une société dont les codes nous m’étaient étrangers ? Une façon de sortir le nez de mes livres de mes jeux vidéo et d’affronter le monde avec ses hypocrisies ses trahisons, ses mesquineries, mais aussi, ses beautés, ses grandeurs et ses générosités ? Est-ce si violent d’être une pierre brute qu’on doit polir?

Je regarde les photos sur Instagram, et je suis frappée par la facilité avec laquelle les gens se vendent. Vendent leur corps surtout. Pour quelques « like », on dévoile ses jambes, on montre ses fesses, on suggère, on attise… Pour peut-être devenir célèbres et devenir un*e ses baby millionnaires que les réseaux sociaux ont créés*ées, certainement pour trouver un sponsor, une marque qui les sauvera du boulot alimentaire. Je ne critique pas leur envie de réussir. Je m’interroge seulement sur ce que contient cette « réussite ». On peut faire de l’argent facilement. Il faut ensuite pouvoir l’assumer. Nous ne sommes pas encore loin d’une époque qui disait « NO Pain No Gain » « Toute peine mérite salaire ». Renverser cet état d’esprit demandera du temps. Et c’est il me semble cette culpabilité qui ronge ces jeunes qui s’enrichissent si rapidement. Qui gagent en un mois plus que leurs parents en une année, et en faisant ce qu’ils aiment. Les repères ont basculé. Il faut créer de nouveaux paradigmes. Peut-être ces milléniaux devront-ils apprendre à voir au-delà de l’argent. Peut-être être devront-ils apprendre à juste « être ».

Je regardais Zuckerberg devant la commission de l’énergie et du commerce de la chambre des représentant aux Etats Unis . Tous ces hommes âgés qui ne comprenaient pas ce dont ils parlaient. Ces commentateurs qui se moquaient du visage de cire du fondateur de FB. Des salves de rire qui masquent leur peur. Les repères ont changé. Et ces hommes puissants pourtant, sentent que les clés du nouveau monde leur échappent. « Malheur à la ville dont le prince est un enfant »

Il n’y plus de rituels de passage à l’âge adulte. Est-on adulte parce qu’on a droit de voter ? Parce qu’on a droit de faire l’amour? Ou parce qu’on pourvoit au bien-être des siens ? Les limites sont floues et un être sensible peut s’y diluer.

Top de sensibilité tue.

Trop de fraîcheur tue.

Trop d’idéalisme tue
AVICII est mort le 20 Avril 2018 il avait 28 ans.

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12 réflexions sur “Regardant AVICII…

  1. Ce documentaire a l’air poignant, j’ai été choquée d’apprendre la mort d’AVICII et les circonstances. Je me demande parfois s’il n’y a pas quelque chose de démoniaque dans la gloire : elle apporte argent et reconnaissance et, en même temps, comme tu l’as dit, elle engloutit l’énergie, la force vitale, elle fait perdre la tête. Et ce succès qui devrait rendre heureux fait au contraire sombrer.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci pour ton commentaire. Ce documentaire m’a hantée parce qu’on le voit se détruire alors que sa carrière explose. C’est très ambivalent. Je partage ton avis, il y a quelque chose de sombre avec le succès. Et il avait l’air d’être quelqu’un de bien.

      J’aime

  2. Je regarderai ce documentaire, c’est bien de voir ce genre de choses car ça remet les pieds sur terre. Effectivement on montre trop souvent ses fesses pour avoir de la visibilité mais comment pourrait-on en vouloir aux jeunes? C’est ce que l’on voit sur nos écrans!
    C’est triste

    Aimé par 1 personne

      1. Non mais clairement oui. J’avais en tête d’écrire un article « faut-il montrer ses fesses pour réussir » lool enfin réussir est un grand mot car ce que cela t’apporte comme soutien ou followers ne doit pas être de très grande qualité.

        Aimé par 1 personne

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